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Le schéma de répétition américain

Nathalie Chaillou, Fondatrice d’Histoire(s) d’une réparation

Quelques points de la bibliographie

# l’absence de limites :  la frontière, c’est le début et pas la fin

Cottret, B. (2004). La Révolution américaine: La quête du bonheur, 1763-1787 (2e éd.). Perrin.

« La frontière change de sens dans le contexte américain : elle n’est ni un mur ni une digue sur lesquels viendrait buter un peuplement, mais à l’inverse un espace ouvert et mouvant, synonyme de mobilité. Il est symptomatique que le terme qui exprime en Europe les bornes territoriales entre les Etats soit devenu son antonyme dans le contexte américain. La « frontière » n’est pas ici une limite mais un point de départ. Le paysage américain est à l’unisson de cette quête illimitée. » (Cottret, 2004, p. 18

(...)

#  le ketchup, origine des problèmes américains d’obésité et conséquences géopolitiques

- la naissance de l'industrie agroalimentaire américaine

Attali, J. (2019). Histoires de l’alimentation : De quoi manger est-il le nom ? Fayard.

« À la fin du XIXe siècle, en Amérique, tout est fait pour faire passer le goût au second plan, pour manger plus vite, des choses fades ou bourratives, qui n’incitent pas à passer du temps à table. La durée des repas diminue, en particulier dans les usines. Mais aussi à la maison. La société américaine commence à devenir une juxtaposition d’individus isolés, mangeant seuls ou avec des inconnus au travail. On n’a plus, à la maison, de salle à manger mais un « living-room ». Cette réduction de l’espace des repas accroît la productivité. Elle n’est pas pour rien dans le formidable décollage économique des États-Unis.
Parallèlement, la production industrielle de produits alimentaires de très mauvaise qualité s’accélère. Au point que des mouvements de consommateurs, notamment portés par des femmes au sein de The Ladies’ Home Journal, fondé en 1883, et de la General Federation of Women’s Clubs, qui réunit alors environ 100 000 femmes dans des clubs répartis sur le territoire américain, protestent [335]. En vain : l’industrie agroalimentaire est devenue si puissante que, de 1890 à 1905, le Congrès rejette 200 propositions de législation visant à contrôler la qualité des produits alimentaires et des médicaments ; par accord tacite entre les deux Chambres, l’une prenant toujours la responsabilité de refuser les propositions venues de l’autre.
En 1906, les industriels de l’agroalimentaire sont devenus assez puissants pour imposer leurs propres normes fédérales, conformes à leurs intérêts. Ils laissent alors le Congrès voter une loi, dite « de protection des consommateurs », le Pure Food and Drug Act, qui, en réalité, vise à imposer des normes continentales permettant à certains industriels de vendre leurs produits sur tout le territoire des États-Unis et de punir les contrevenants à ces normes, c’est-à-dire leurs concurrents. Au même moment, le Meat Inspection Act criminalise la falsification des produits carnés, réglemente les processus d’abattage et instaure un cadre sanitaire et réglementaire unique sur les produits alimentaires et médicamenteux au niveau fédéral. » (Attali, 2019, p. 151)

C’est, dans cette vision de l’alimentation, que l’on peut trouver les conséquences à long terme sur la santé des Américains qui a des conséquences aux États-Unis même mais également dans les relations internationales.

- la vision américaine de l’alimentation

Si cette façon de manger s’impose, c’est pour des raisons religieuses. (...)

Barré, N., & Fortin, D. (2019, Avril). Jacques Attali : « Notre modèle actuel d’alimentation ne peut pas durer ». Les Échos. https://www.lesechos.fr/idees-debats/editos-analyses/jacques-attali-notre-modele-actuel-dalimentation-ne-peut-pas-durer-1012751

« Manger est, en effet, un acte subversif pour le capitalisme. Car lorsque vous mangez, c'est du temps que vous passez à ne pas faire autre chose, vous ne produisez pas. [expression soulignée par nos soins] Donc il faut à tout prix réduire le temps et l'argent consacré au repas. Ce sera la révolution américaine du milieu du XIXe siècle, qui donnera le coup d'envoi à l'industrialisation de l'alimentation. Celle-ci va se propager et déterminer encore aujourd'hui le rapport des hommes à la nourriture.
Elle est d'autant plus étonnante que les nombreux migrants venus d'Europe ont choisi les Etats-Unis pour l'abondance qu'ils espèrent y trouver. Or on leur fait vite comprendre qu'ils doivent y renoncer.
C'est l'alliance entre Will Keith Kellogg et Henry John Heinz qui va déterminer ce qui est devenu l'alimentation contemporaine. M. Kellog, qui est proche des évangélistes, dit : “C'est péché de trouver du plaisir à manger.” M. Heinz lui répond : “Mettez une petite sauce sur la nourriture pour en masquer le mauvais goût.” » (Barré & Fortin, 2019)

Si l’on résume ses propos, manger est doublement péché car c’est une perte de temps et un plaisir coupable. Quelques précisions fondamentales sur la création de M. Heinz. (...)

« Cette sauce, inspirée d’une recette venue d’Asie à la fin du XVIIe siècle, contient de la tomate, du sel, du poivre, des épices (clou de girofle, cannelle, piment de Jamaïque), du céleri, des champignons, des échalotes, du sucre et des conservateurs [96,237]. Une sauce à tout faire, conforme aux normes du Pure Act, qu’Heinz a lui-même aidé à définir ; une sauce que tout le monde va bientôt utiliser pour masquer le goût de tous les plats. Une sauce parfaite pour une nourriture insipide.
Elle marque le début d’une nouvelle phase de l’industrie alimentaire : après avoir fait manger fade, on recrée un goût artificiel pour masquer le vide du produit.
À ce moment, l’industrie agroalimentaire est déjà la première industrie des États-Unis ; et les livres de cuisine américains se distinguent des livres européens, insistant sur la valeur énergétique des plats et non plus sur le goût. » (Attali, 2019, p. 151).

Or ces petites sauces et artifices ne sont pas neutres dans le fonctionnement du corps :  le sucre et le gras perturbent profondément les récepteurs qui, dans le cerveau et le ventre commandent le principe de la faim et de la satiété.  Par ailleurs, le sucre endommage le fonctionnement du cerveau...  Est-ce la raison pour laquelle les Américains ont eu besoin de tant déléguer leur pensée aux ordinateurs, même si on l’a vu, le gigantisme et la pression des chiffres justifiait un besoin d’aide qui ne s’est pas manifesté ailleurs ? …

 Au nom du marché, ce sont les normes américaines qui s'imposent à l'Amérique du Sud et à l'Europe à travers le Mercosur. Pourtant, lorsque l'on sait que " plus des deux tiers des cultures vivrières dans le monde sont originaires des Amériques [pré-colombiennes]", on se demande si cela ne devrait pas être l'inverse*. Par ailleurs, la vision amérindienne de l'agriculture était incroyable et particulièrement digne d'intérêt en termes d'écologie comme en témoigne le site de Moray (...).

* Article La civilisation précolombienne  (2025). Dans Wikipédia.

Source: Jean-Paul Métailié, « Les plantes cultivées : la contribution précolombienne à l’agriculture mondiale », dans Michel Bertrand, Jean-Michel Blanquet, Antoine Coppolani et Isabelle Vagnoux. Laffont., Les Amériques. Tome I- Du précolombien à 1830, Laffont Editions,, 2016, 1024 p. (EAN 9782221116579, lire en ligne [archive]), pp.751-755

"Les premiers habitants des Amériques ont développé leur agriculture, en cultivant et sélectionnant le maïs à partir d’une taille de 2–5 cm de longueur à la taille que nous connaissons aujourd'hui. Les pommes de terre, les tomates, les tomatilles (une tomate verte décortiquée), les citrouilles, les piments, les courges, les haricots, les ananas, les patates douces, les céréales, le quinoa et l’amarante, le chocolat, la vanille, les oignons, les arachides, les fraises, les framboises, les mûres, les myrtilles, les papayes et les avocats ont été parmi les autres plantes cultivées par les autochtones."

Analyse du schéma de répétition américain: comment les blessures de l'ego national américain ont impacté la construction de son système économique et financier. Cette analyse nous permettra d'avoir un autre regard sur le projet économique de Donald Trump.

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